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Christopher Fomunyoh : Parcours d’un Homme de Foi au Service de la Démocratie et de l'Égalité en Afrique

27/11/24

par :

Pamela Annick N'guessan

De son enfance en Afrique aux hautes sphères de la gouvernance internationale, Christopher Fomunyoh explore l'impact des femmes dans sa vie et partage sa passion pour une démocratie inclusive et respectueuse des droits des femmes.

Chapeau :
Né dans un petit village du Cameroun et aujourd’hui directeur Afrique du National Democratic Institute (NDI) basé à Washington, Christopher Fomunyoh a tracé un parcours inspirant au service de la démocratie et du progrès social. À travers cette interview, il nous partage ses valeurs, sa vision de l’engagement politique, et son combat pour l’égalité des genres et le bien-être des Africains dans le monde.

 

« Au NDI, la quête de l'égalité des genres est un objectif permanent. Nous avons une direction dédiée pour veiller à ce que tous nos projets intègrent la dimension genre, favorisant ainsi la participation des femmes à tous les niveau de décision politique.» 



1. Pouvez-vous vous présenter et décrire votre enfance, votre parcours ?


Réponse:


Je suis né en 1956 dans le village de Guzang, dans la région de Batibo au Cameroun. Mes parents m’ont confié il y a quelques années qu’ils n’auraient jamais imaginé que leur fils aîné se retrouverait un jour dans les couloirs de l’influence à Washington DC et à travers l’Afrique pour des questions de démocratie et de bonne gouvernance. Moi non plus, je n’aurais jamais pensé cela. J’ai eu une enfance assez ordinaire : j’ai commencé par l’école primaire puis le secondaire, où j’ai été éduqué par des missionnaires protestants. J’ai ensuite poursuivi mes études au lycée à Bambili, à Bamenda, avant d’intégrer l’Université de Yaoundé, la capitale politique du pays, en 1975. Après avoir obtenu une licence en droit, je suis descendu à Douala, la capitale économique, pour trouver un emploi. C’était l’âge d’or pour les jeunes diplômés, et j’ai rapidement été embauché comme agent administratif à la Société Nationale des Eaux du Cameroun, puis comme juriste à la compagnie nationale Cameroon Airlines, qui à l’époque rivalisait avec de grandes compagnies comme Air Afrique et Ethiopian Airlines. Quelques années plus tard, j’ai décidé de continuer mes études supérieures aux États-Unis, où j’ai eu la chance d’être admis à la prestigieuse faculté de droit de Harvard, devenant en 1988 le tout premier Camerounais à intégrer ce programme de droit post-universitaire (LL.M.). À la fin de mes études, j’ai commencé un doctorat en sciences politiques à l’Université de Boston, que j’ai achevé en 1994 avant de rejoindre le NDI pour une carrière que je n’avais pas imaginée quelques années plus tôt.


.2. Quelles femmes ont marqué cette période de votre vie ?


Réponse:


Avant tout, ma mère, une chrétienne pratiquante qui, bien qu’elle n’ait pas pu aller à l’école, souhaitait que ses enfants reçoivent la meilleure éducation possible. Elle nous a inculqué de grandes valeurs humaines et de générosité, partageant toujours ce qu’elle avait avec les plus démunis. Il y a aussi eu mes grands-mères maternelle et paternelle, deux femmes de caractère dans un contexte où, dans les familles polygames des zones rurales en Afrique, ce sont souvent les matriarches qui veillent sur leurs enfants et petits-enfants. Jusqu’à l’âge adulte, j’ai eu la chance de les côtoyer et elles ont laissé une empreinte indélébile sur moi.


3. Enfant, rêviez-vous de travailler dans le monde de la politique ?


Réponse:


Pas du tout, surtout que j’ai grandi dans une Afrique marquée par le parti unique et des régimes militaires, sans aucun modèle d’inspiration dans ce sens. Au maximum, il y avait des mouvements étudiants et culturels où j’étais très actif, aussi bien dans ma région d’origine qu’au lycée et à l’université de Yaoundé. Mon dynamisme dans ces cercles semblait présager un avenir prometteur et glorieux, mais sans savoir dans quel domaine cela se manifesterait.


4. Comment votre carrière a-t-elle débuté ?


Réponse:


Ma carrière à Cameroon Airlines a commencé par simple curiosité de découvrir le secteur du transport aérien, un domaine totalement nouveau pour un enfant né dans un village éloigné du monde moderne. Cette entreprise m’a ensuite ouvert les yeux sur la scène internationale, avec ses activités sur plusieurs continents. Ma seconde carrière, celle au National Democratic Institute (NDI), je l’ai poursuivie avec détermination, car la fin de mes études doctorales a coïncidé avec divers bouleversements politiques mondiaux, comme la chute de l’Union soviétique, la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, et la libération de Nelson Mandela. Dans une impulsion de panafricanisme, je me suis senti moralement obligé de soutenir mon continent dans ses efforts de démocratisation. C’est ainsi que j’ai postulé pour rejoindre le NDI, l’une des premières organisations à adopter une politique d’assistance aux pays en transition démocratique. À l’époque, je pensais que cela ne durerait que deux ou trois ans, le temps de gagner de l’expérience professionnelle avant de retourner au Cameroun. Mais plus de deux décennies plus tard, notre continent continue de me défier, et je suis heureux d’y répondre.


5. Comment définissez-vous votre travail au sein du NDI ?


Réponse:


En tant que directeur régional et cadre supérieur, je participe à la conception de projets d’assistance technique pour les partenaires et acteurs engagés dans le renforcement de la démocratie et de la bonne gouvernance. Je supervise également la mise en œuvre de ces projets par le personnel de notre siège à Washington DC ainsi que par les équipes présentes dans les pays où nous avons des bureaux. C’est un travail riche qui ouvre de nombreuses opportunités de rencontrer des militants sociopolitiques, des acteurs de la société civile, des dirigeants de partis politiques et des élus. Nous travaillons de manière non-partisane et, financés par le Congrès américain et des donateurs comme USAID, nos activités ne coûtent rien aux structures ou aux pays hôtes.


6. L’égalité entre les hommes et les femmes est-elle importante pour vous ? Quelle est votre implication sur ce sujet ?


Réponse:


Oui, et au NDI, la quête de l’égalité des genres est un objectif permanent. Nous avons une direction dédiée pour veiller à ce que tous nos projets intègrent la dimension genre, favorisant ainsi la participation des femmes à tous les niveaux de décision politique. Nous avons mené plusieurs campagnes de sensibilisation, comme "Win with Women", qui promeut la participation féminine, et des actions pour prévenir les violences contre les femmes en politique. En 2020, le NDI a créé un Conseil sur la Diversité, l’Équité et l’Inclusion, dont j’ai l’honneur de co-présider.


7. Que pouvez-vous dire de la place des femmes dans la vie politique internationale, en particulier en Afrique ?


Réponse:


Je constate malheureusement que beaucoup de pays africains n’accordent pas encore aux femmes un accès équitable au pouvoir décisionnel au plus haut niveau. On trouve des militantes dynamiques au sein des partis politiques, mais elles sont rarement présentes dans les comités centraux ou bureaux politiques. Depuis l’avènement de la démocratie en Afrique, seuls quatre femmes ont accédé à la présidence, et une seule par voie d’élections multipartites. Certains pays comme le Rwanda et le Sénégal ont adopté un système de quotas qui facilite cette représentation, mais globalement, il reste beaucoup à faire.


8. Les femmes ont obtenu le droit de vote aux États-Unis en 1920. Quelle est leur place aujourd’hui dans la politique américaine ?


Réponse:


Même dans des démocraties anciennes comme celle des États-Unis, il existe encore un fossé inacceptable entre les aspirations des femmes et leur accès aux plus hauts niveaux du pouvoir politique. Il a fallu presque un siècle pour voir une femme présider la Chambre des représentants ou occuper le poste de vice-présidente. Selon l’Union Interparlementaire, les États-Unis se classent seulement au 77e rang mondial pour la place des femmes dans les législatures, ce qui est peu glorieux pour la première puissance démocratique.


9. En France, les femmes politiques gagnent moins que leurs collègues masculins. Est-ce aussi le cas aux États-Unis ?


Réponse:


Oui, ces inégalités existent également aux États-Unis, et c’est pour cette raison que nous devons continuer à lutter pour changer des habitudes et pratiques archaïques.


10. Que pensez-vous des mouvements comme #MeToo qui encouragent les femmes à s’exprimer ?


Réponse:


Le mouvement #MeToo a permis de mettre en lumière les préjugés subis par les femmes quand le cadre professionnel ne favorise pas leur épanouissement, en raison de pressions injustifiées, notamment du harcèlement sexuel. C’était le moment pour les femmes de retrouver leur voix pour dénoncer ces actes et tenir les coupables pour responsables. Il est rassurant de voir que la société d’aujourd’hui soutient les femmes et rejette les abus d’antan.


11. Travaillez-vous avec des femmes politiques qui vous ont marqué ?


Réponse:


Oui, et plusieurs m’inspirent par leur vision, leur humanisme et leur courage. Je citerais Madame Ellen Johnson Sirleaf, ex-présidente du Libéria, qui a sorti son pays d’une guerre civile pour le remettre sur les rails du développement. Je pense aussi à Dr. Joyce Banda au Malawi et à Madame Catherine Samba Panza en République centrafricaine, toutes deux ayant assuré des transitions politiques délicates. Hors d’Afrique, je pense à Madame Atifete Jahjaga, ancienne présidente du Kosovo, qui a su négocier l’émergence de son pays en période de grands bouleversements.


12. Deux hommes politiques dont vous admirez le travail ?


Réponse:


Je citerais Angela Merkel, qui a su gérer l’Allemagne réunifiée pendant 16 ans avec humilité, et Madeleine Albright, première femme Secrétaire d’État des États-Unis, qui est toujours active aujourd’hui et se soucie des plus démunis.


13. Selon vous, l’élégance est-elle un atout ou un obstacle en politique pour une femme ?


Réponse:


Le monde évolue et une femme de caractère ou d’élégance peut aujourd’hui être respectée pour ce qu’elle apporte, en plus de son apparence. Jackie Kennedy reste une légende de beauté, mais aujourd’hui, une femme peut imposer son style en politique tout en étant respectée pour son influence.

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